J'ai de très grandes ailes dans le dos, des ailes transparentes, des ailes de papillons déployées au bord de l'abysse. Je les sens entre mes omoplates et du dessus je les vois. Je vois le haut de mes cheveux, le dessus de mes mains, la plante de mes pieds et leurs petits coussinets.
Ce n'est pas vraiment mon corps ni mon visage, mais c'est pourtant moi qui descends. Ce n'est pas une chute à pic, je descends à plat. Je sens la pression de l'air au dessous et la vitesse qui me plonge vers le bas. Ça va vite comme quand tout le corps lâche. Une vraie sensation de poids et je ne fais que tomber. Je sens l'air sur mon visage, je le sens sur mes longs cheveux qui flottent à la verticale, qui me maintiennent vers le haut. Ma robe décharnée est plaquée par la pression de l'air ; un espèce de drapé qui me colle au corps, à la poitrine et qui me dessine les jambes. La présence de l'air me réconforte parce qu'elle m'empêche de tomber, de m'écraser.
La lumière vient d'en haut, de derrière moi. Autour, je distingue des relief ténus, puis plus rien que le noir et parfois encore des reliefs. En dessous je vois distinctement un échiquier qui repose sur le vide et sur lequel se tiennent quatre femmes, deux jeunes et deux vieilles. Quatre formes apaisantes, quatre représentations de moi, de mon devenir, de ce que j'ai pu être ou de peut-être ce que je serai. Des femmes aux visages blancs, portant de longs cheveux blancs et de grandes robes blanches. Les deux plus jeunes sont exactement les mêmes et les deux plus âgées, très âgées. Elles ont des siècles et des siècles et des siècles et pourtant elles restent belles. Ce sont des sorcières au sens noble du terme, des dames nature là pour veiller sur l'équilibre de mon univers.
Je reste à une vingtaine de mètres, suffisamment près pour distinguer les traits de leurs visages, la forme de leurs yeux, la taille de leur cou, de leurs épaules, de leurs poitrines, la délicatesse de leur taille, de leurs pieds… Elles ressemblent aux femmes des films d'animation de mon enfance, Cobra, Ulysse 31...Chacune est à l'extrémité de l'échiquier, dans son coin, loin des autres. Elles ne se parlent pas, et bien qu'elles se regardent, elles ne se voient pas. Les vieilles à l'arrière du plateau et les jeunes à l'avant. Je les vois comme je te vois là, sauf qu'elles je ne les atteins pas. La distance qui m'en sépare est immuable. Mes ailes ne font aucun mouvement, elles maintiennent le cap.
C'est agréable et désagréable, oscillant entre rêve et cauchemar, entre conscience de descendre sans tomber et sensation de tomber sans fin. Je suis confronté à l'abîme et ses méandres, à des perturbations importantes, à la question de l'infini.
Popotin | Des escaliers dans la tête. |
J'aime beaucoup le côté "rassurant" de l'air, autour d'elle.
Et la description des quatre femmes fait rêver.
Les femmes me rappellent un peu les trois Nornes de la mythologie nordique, ou les Moires de la mythologie gréco-romaine, qui représentent différentes époques de la vie d'une personne et qui tissent le Destin.
@ Loni, moi aussi je trouve très singulier la présence de l'air dans ce rêve.
@ Nothishade, merci pour ces références, je pense qu'elles vont me servir.
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