La première fois qu'elle vole, c'est au dessus d'un bâtiment de quatre étages qu'elle habitait entre 6 et 15 ans à Châtellerault. C'est quinze ans plus tard seulement que ce rêve survient. Tout y est très clair et tout y est : les voitures, les maisons, le dessus du bâtiment, les rues… Fanfan est comme un oiseau, c'est le jour, il fait beau, le ciel est bleu, les tons sont clairs. Elle porte des vêtement flottants dans lesquels elle plane et le contact de l'air est caressant. Elle voit les choses mais pas les gens. Elle se dit qu'il est sans doute très tôt et c'est pour cette raison qu'on ne voit personne, on ne voit pas non plus d'antennes, mais des cheminées...
Dix ans plus tard, dans un hangar désaffecté, elle est poursuivie. Par quoi ? On ne sait pas, ce qui importe c'est qu'elle parvient à s'envoler pour échapper. Elle se faufile d'étages en étages, entre le plafond et les vitres. Elle s'infiltre dans des interstices filandreux et plein de poussière. Les pièces qu'elle traverse font dix mètres de haut. Les verrières sont sales, et les carreaux rectangulaires prennent toutes les façades. Dehors c'est la pénombre et les arbres bougent. Les arbres collent le bâtiment et leurs branches fouillent l'intérieur de partout. Elle arrive en volant à passer par ses intervalles large de 30 cm. Elle nage la brasse pour cela, une brasse coulée de temps en temps, elle avance comme ça, poisson volant doucement, gentiment… Elle se sent néanmoins déplumée. C'est sa tête pourtant, elle en est bien consciente, ce sont ses bras aussi, mais son corps… il a comme des plumes, des vilaines plumes, des grandes plumes noires, marrons, pas jolies, les plumes d' un oiseau abimé… pas mazouté, abimé. Elles ressemblent aux plumes d'un vieil oiseau qui se serait battu, les plumes d'un oiseau décharné comme on en voit des fois dans le désert… Comme ces vautours qui sont si vilains. Elle n'a pas un corps d'oiseau, c'est sur elle, comme un vêtement de penilles. Des penilles de plumes... Elle voit ses mains qui s'activent pour voler. Quand elle tourne la tête pour observer son poursuivant elle aperçoit les plumes qui sont derrière elle. Ce plumage part des hanches, comme la robe d'une sorcière qui s'effiloche sur le balai. Il a quelque chose de souple, comme une robe de gitane trop longue. Ses jambes ne servent à rien, elle suivent le haut du corps. Elle voit comme ses yeux peuvent voir. La personne qui la poursuit, elle, ne sait pas voler, c'est ce qui l'a sauve. Cela l'arrange de n'être pas rattrapée. Elle ressort ainsi de son rêve victorieuse et ce sentiment d'avoir gagné la ravit.
Le petit ballon | Guyane |