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Des escaliers dans la tête.

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J'ai volé plus de mille fois depuis l'enfance et cela s'est toujours bien passé. Les premières fois, c'était sur la montagne qui surplombe Dêrsim, la ville natale où je n'ai pas vécu. Moi, j'ai grandi à Istanbul, sans mes parents. Quand je retournais chez eux, c'était chaque fois comme si je tombais du ciel. Je n'ai jamais eu aucun souvenir du trajet qui m'avait permis de revenir là.
 
Maintenant, c'est différent, je suis conscient que je vole comme si je ne dormais pas. Il y a des escaliers ; des escaliers qui me font penser aux colonnes de l'antiquité. Je prends mon envol sur l'une des marches, peu importe laquelle. Je n'y crois d'abord pas, puis je m'aperçois que c'est possible, que je vole comme les oiseaux. Je ne me pose pas de question, je regarde les paysages, je vois tous les détails et toutes les couleurs. Quand je descends, il n'y a pas de danger, c'est pour cela que ça continue. Si j'avais croisé un danger, je n'y serais pas retourné.

Je voyage toujours vers le passé. C'est toujours plus beau. Le futur me semble être un cauchemar. Je survole des villes étrangères,  des villes anciennes, des villes en ruines, des villes presque oubliées. C'est détruit, mais ce n'est pas triste.

Je rencontre les gens du passé. Ce ne sont ni mes proches, ni mes amis. Aucun d'eux ne vole. Pourtant, je leur souris. Je les vois. Je me vois sans être vraiment hors de moi.

C'est magique.

Mon regard est en haut, mais je sens mon sourire à l'intérieur, dans le ciel.

Je me réveille convaincu de l'avoir vraiment fait.

Cette province anciennement appelée Dersim a été renommée Tunceli par l'État turc après le massacre de Dersim entre 1936 et 1938.