Les choses se déroulent clairement quelques temps après mon rêve d'hier1. Je ne suis plus dans cette situation qui empêchent d'avancer Arlequin et moi même. Nous ne sommes plus un couple. De l'eau a coulé sous les ponts, la vie a bien changé.
Je suis en compagnie d'un homme de toutes évidences plus âgé que moi. Il est principalement vêtu de bleu. Un jean assez foncé, qu'il porte souvent. Un t-shirt noir. Il ne fait pas très froid, mais il porte une veste qui donne le ton. Une veste en cuir de motard. J'ai un motard !
De loin, un inconnu nous qualifierait de couple, même de couple ordinaire. Pourtant notre relation semble différente, plus belle et plus légère que ce que mon esprit appelle un "couple" aujourd'hui... Il n'y a aucune question. Nous nous faisons confiance de manière simple. J'apprécie de passer du temps avec lui, lui apprécie également ma compagnie. Alors nous passons notre temps ensemble. Il n'y a pas de prise de tête. Je n'imagine pas qu'il puisse aller voir une autre fille, ce n'est pas une question que je me pose. L'attention qu'il m'accorde est bien assez importante. S'il voit une autre fille, cela ne me regarde pas. Il en est de même pour moi.
De loin, on peut penser que je lui donne l'exclusivité sur tout. Il y a sans doute du vrai, puisque je lui donne la majorité de mon temps, mais il n'a pas tout.
C'est une relation tellement simple et légère qu'il est compliqué de la décrire. Cela ne semble plus exister... Qui sommes nous pour prétendre pouvoir posséder quelqu'un ?
Nous ne nous rendons pas de comptes, mais nous restons justes et respectueux.
Il est grand. Il a le teint hâlé il me semble. Ses cheveux tombent sur ses épaules. Ils sont noirs, très foncés. Une petite barbe orne son visage. Il est très charmant. Ses yeux sont d'un marron si profond qu'on les dirait noirs. Son regard est sombre, plein de détermination et de sérieux.
Des bribes me reviennent. Une petite ruelle sombre et froide. Le gel la fait briller. Les murs sont sombres et sales, les poubelles renversées. Quelques vieilles voitures sont garées maladroitement. Je marche dans des flaques d'eau sans le vouloir. Je suis frigorifiée. Mon corps tremble et rend mes pas incertains. Mon esprit n'est pas là, il est perdu dans les méandres de la douleur comme cela peut lui arriver. Mes larmes se solidifient. Je suis confuse. Je ne sais pas où je vais.
Sans doute est-ce ici que je le rencontre... dans cette petite rue où personne ne sait que je suis.
C'est un de ces moments où je suis alourdie par ma peine, où je suis aveuglée par mon chagrin. Ma vision est trouble... Je suis tellement près d'abandonner. Me laisser tomber au sol serait tellement plus simple. Attendre que le froid ne m'emporte.
La peur m'abrutit également. Il fait sombre, je ne vois pas grand chose. Le silence et pesant. Il n'y a rien de bon pour moi ici. Qu'est ce que je fais ici ? Si je croise quelqu'un dans cette ruelle, il ne peut me vouloir que du mal...
Mais il surgit de l'ombre, dans son jean foncé et sa veste en cuir. Ses cheveux protègent son visage de la lumière forte du lampadaire vers lequel il se trouve. Il s'approche de moi d'un pas sûr, déterminé. Il semble tellement confiant, il semble tellement savoir ce qu'il faut faire. Je le regarde s'approcher de moi, envahir mon champ de vision avec son corps, me plonger dans l'ombre de ses épaules larges... je ne bronche pas.
Mes larmes s'arrêtent. Son regard est fort, presque brutal, mais tellement bienveillant et protecteur. Il agit. Il ne me dit pas un mot. D'un geste puissant, il me soulève et me prend dans ses bras comme un porterait une princesse. Ma tête se retrouve contre son torse dur.
J'ignore où il m'emmène alors, mais je sens qu'il me fait du bien, qu'il va prendre son de moi. Je sens que je peux le laisser faire.
Le rêve se déroule longtemps après cette entrevue. Je suis devenue aussi forte que lui, plus sûre de moi. Je porte une veste en cuir comme je les aime ainsi que mes bottines à talons. Je suis à l'aise dans cette tenue, je me sens puissante. Je le regarde de loin. Ce n'est pas de la passion, c'est autre chose. C'est bien plus solide que la passion. Je sens que j'ai le droit de ressentir ce que je veux avec lui, d'aimer ce que je veux, de détester ce que je veux. Je sens que je peux hurler si cela me chante, je peux danser, me trimbaler le ventre à l'air en prenant le risque d'aguicher ses amis. Who cares ?
Tout est tellement simple. J'ose.
Nous nous promenons dans la rue. Celle ci est déserte et étroite. Les bâtiments sont vieux, leur peinture s'effrite. Le silence est toujours là, fidèle.
Alors que nous marchons d'un pas bruyant entre des bâtisses vides, quelque chose attire notre œil.
Il est certain que quelqu'un de normal n'aurait rien remarqué, mais cela fait tellement longtemps que nous attendons cela ! Tellement longtemps que nous guettons les signes de la fin du monde tel que nous le connaissons. Je détecte des mouvements dans ma vision périphérique. Cela aurait pu me sembler normal, mais les bâtiments sont supposés être vides, complètement vides. Et le mouvement que je détecte est trop gros pour être celui d'un petit chat.
J'observe alors ce qui se passe dans le bâtiment sur ma gauche. Je frotte un peu les vitres blanchies de poussière. Je fais signe à mon compagnon d'approcher.
À l'intérieur, je distingue de nombreuses formes humaines, toutes debouts. Toutes les silhouettes sont tournées dans la même direction. Elles ne bougent pas. Elles se balancent légèrement d'avant en arrière.
Nous savons ce qu'il nous reste à faire. Nous nous mettons à courir pour rejoindre notre base. Nous prévenons nos amis qu'il est temps de rassembler l'essentiel et de partir. Nous n'avons que quelques minutes avant qu'ils n'arrivent tous ici.
Après avoir récupéré mon sac, je me précipite dans la cours dans laquelle sont garés la plupart de nos véhicules.
Après un moment d'hésitation, j'enfourche un quad de la marque BMW (bien qu'un tel engin n'existe pas). Je démarre en trombes, et en sortant de la cour, je prends à droite.
Je ne roule pas bien longtemps cependant. Une autre voiture arrive en face. La personne à son volant semble désorientée, elle ne comprend pas ce qui se passe et arrête le moteur pour essayer d'éclaircir la situation. Je crie pour lui faire comprendre qu'il ne faut pas couper le contact, qu'il faut simplement continuer à rouler. Je comprends à son regard hébété qu'il n'est plus en état de comprendre quoi que ce soit. Cette personne va mourir.
J'essaye de continuer mon chemin, mais ils sont trop nombreux.
J'abandonne le véhicule pour me mettre à courir.
L'adrénaline... Je n'ai pas peur. Je sais qu'Il n'est pas bien loin, je sais qu'il me protégera.
50-52 | Courir, avec l'esprit loin là bas... Fuir sans avoir à lever le petit doigt |
Suite à une attaque de Spam, les commentaires anonymes sont temporairement désactivés